A Grozny, la guerre est finie, officiellement, mais derrière les mitraillettes et les chars, la Russie est toujours là. Au fil de témoignages recueillis sur le terrain par la journaliste russe et militante des droits de l’homme, Anna Politkovskaïa, ce récit raconte le conflit tchéchène de l’intérieur. Unique journaliste russe à avoir couvert la guerre en Tchétchénie, la journaliste “non-rééducable” , du titre que lui donne l’Etat-major russe, vit sous la menace constante pour ses activités dissidentes. Qualifiée d’ “ennemie d’Etat” dans une lettre ouverte écrite par le 68e Corps de l’Armée russe en Tchétchénie, elle répond : “je vous réponds que je le suis, c’est vrai. Ennemie d’une armée de criminels recrutée dans les prisons ou parmi la pègre de Moscou. Ennemie de veux qui violent, saccagent et volent”. Elle revient avec obstination sur le terrain, rapportant les propos de ceux qui témoignent – au péril de leur vie. En octobre 2006, elle est retrouvée assassinée dans la cage d’escalier de son immeuble moscovite. Ce récit est un montage de six années de notes, d’articles, d’interviews, de correspondances, écrits avec effroi et lucidité. Dans une langue à la radicalité glaciale, Stefano Massini assemble “révélations, confessions, dénonciations, lettres, le tout réécrit dans un style au rasoir, pour mettre en relief le contenu. Objectiver. Nettoyer. Sectionner. Enlever. Enlever. Enlever. Tout le reste est silence”. Quand la parole est muselée, quelle échappatoire reste-t-il face au silence ?